D’un point de vue linguistique, le terme de concept est dérivé du latin concipere qui signifie ‘prendre entièrement’. En architecture, il signifie construire une représentation de quelque chose qui n’existe pas encore. En combinant ces deux approches distinctes, on en arrive à la conclusion qu’un „concept“ fait référence à une représentation du monde acquis soit par l’expérience soit par l’imagination et qui est fourni par une structure hiérarchique. Néanmoins dans la communication actuelle, il semble qu’on puisse utiliser les concepts plus ou moins librement et sans trop de restrictions. Et, c’est précisément ici qu’apparaît une contradiction potentielle (Casasanto & Lupyan 2015). Comment se fait-il qu’un terme puisse être employé d’une manière si flexible alors que la stabilité de ce même terme est bien ancrée dans sa définition?
Dans ma communication, je montrerai qu’il ne s’agit pas d’une contradiction réelle, mais plutôt d’un problème de définition. Basé sur l’hypothèse que les domaines de source conceptuels sont fortement liés aux trois grandes catégories (self-regulation, sensorimotor coupling, intersubjective interaction) de Thompson & Varela (2001) et inspirés du lien étroit entre perception et action (Noë 2004), j’expliquerai que les concepts eux-mêmes sont globaux, mais en transférant ces images mentales dans le langage, leur stabilité doit céder – face à la linéarité de la langue – à la nécessité de diviser cette unité en éléments particuliers.
Une analyse synchronique et diachronique de plus de 800 mots de différentes langues romanes montrera que c’est particulièrement cette division d’un concept en des entités individuelles et en même temps universelles qui est responsable de la flexibilité synchronique du concept. Etant donné que chaque fois que le concept est activé, le locuteur a un choix des points d’ancrage, même si ces derniers (ou plutôt les diverses interprétations possibles, Varela, Thompson & Roch 1991) peuvent varier à travers le temps. Au début, on constate une préférence pour des paramètres prototypiques d’un concept, mais avec le temps, la caractéristique marquante de ces entités (en raison de changements de fréquence et du niveau de l’expressivité) peut changer. Le clivage entre la stabilité assumée et la flexibilité qui règne dans l’usage actuel peut être compensé en partant du principe que notre savoir n’est pas organisé en concepts stables mais plutôt en paramètres flexibles, qui en interaction mutuelle, définissent l’idée du concept et priment sur elle (Barsalou, Wilson, and Havenkamp 2010; Spivey 2007). Pour illustrer cette idée, la communication sera centrée sur le corps comme « point zéro d’orientation » (Husserl 1989), sur les mappings sémantiques entre les paramètres conceptuels à travers le temps, sur les restrictions existantes dans l’usage actuel et sur les différences typologiques entre des langues romanes et non-romanes. En conclusion, ma contribution posera la question de savoir s’il ne serait pas plus adéquat de parler d’une focalisation ad hoc d’un certain paramètre conceptuel que de concepts ad hoc.
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